L'opportunité à 22 milliards

Si vous êtes comme beaucoup de Canadiens, vous ne voudrez cependant pas utiliser les services d’un avocat pour vous aider. Selon une étude menée par le Ministère de la justice fédéral, 88,3% des Canadiens n’utiliseraient pas les services d’avocats, qu’ils trouvent trop chers, trop lents et trop compliqués. La technologie va changer ceci dans les prochaines années. Amis entrepreneurs, l’opportunité est grande.

La prochaine révolution industrielle se fera en droit !

Il y a 2 ans, j’occupais, au Barreau du Québec, un poste dédié à deux choses : la recherche sur le futur de la profession et les statistiques reliées à celui-ci. Pour effectuer ces recherches, j’ai dû me déconstruire comme avocat. Un changement de perspective a été nécessaire. Pour analyser le futur du droit il a fallu enlever mon chapeau d’avocat et mettre celui d’économiste et d’entrepreneur. En d’autres mots, le futur du droit ne consiste pas à élaborer des textes de loi plus sophistiqués, mais à  transformer l’offre de service. Ce faisant, j’ai été surpris de constater que les jeunes avocats et entrepreneurs étaient devant la plus belle opportunité que le monde juridique a vue depuis plusieurs générations. Voici pourquoi.

Le premier constat : le besoin criant d’alternatives

Selon les statistiques, vous avez 50% de chances d’avoir un problème grave de justice familiale ou civile dans les 3 prochaines années. Si vous êtes comme beaucoup de Canadiens, vous ne voudrez cependant pas utiliser les services d’un avocat pour vous aider. Selon une étude menée par le Ministère de la justice fédéral, 88,3% des Canadiens n’utiliseraient pas les services d’avocats, qu’ils trouvent trop chers, trop lents et trop compliqués.  

22, 000, 000, 000 $

Ce chiffre représente une approximation des montants totaux des conflits sous les 60 000$. Selon une autre étude, seulement 7% des gens vont utiliser une solution juridique ou judiciaire pour régler leur problème. 51% des gens (soit 5,7 millions de Canadiens) qui ont eu un problème juridique ont souffert de troubles émotionnels dus à ce dernier. Bref, il y a un besoin criant.

Le deuxième constat : le potentiel incroyable de la technologie

Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’étaler un grand argumentaire pour démontrer que la technologie va transformer le monde de demain. Je vais donc vous épargner le pourquoi. Il y a cependant des exemples qui démontrent l’étendue du potentiel. 

eBay règle plus de 60 millions de disputes en ligne chaque année, Legal Zoom incorpore aujourd’hui le tiers des compagnies aux États-Unis et Cybersettle règle pour presque 2 milliards de petits litiges en ligne. Pour vous donner une idée, si mon entreprise, OnRègle.com fait aussi bien que ses compétiteurs étrangers, il se règlera plus de 8000 dossiers par année via cette plateforme. C’est énorme quand on pense que la Cour supérieure règle 20 000 dossiers par année, dans l’ensemble du Québec. 

Le troisième constat : les jeunes avocats ne trouvent pas d’emploi

Le jeune Barreau de Montréal a récemment conduit une étude sur l’emploi au sein des jeunes de la profession. Les conclusions du rapport : les jeunes avocats ne trouvent pas leur place dans le marché juridique actuel. Pourquoi ? Jusqu’en 2008, tout allait bien, il y a eu une augmentation régulière des diplômés en droit parallèlement à une augmentation des revenus dans l’industrie. À partir de 2008, les revenus ont connu plusieurs années de stagnation et même de diminution.  

Ainsi, pour certains, il y a trop d’avocats et pour d’autres, pas assez d’emplois. Je prétends qu’ils ont tous tort.

La grande opportunité

D’un côté un problème, de l’autre une solution. D’un autre, une génération de jeunes juristes sans travail et en grand besoin d’une opportunité d’affaires. Tout est donc en place pour une révolution ? Pas tout à fait. L’opportunité est là, mais est-ce que les avocats sauront la saisir ? 

Malheureusement, nos experts en lois ne sont formés que pour saisir les opportunités d’affaires. Aucun cours d’entrepreneuriat, de marketing ou de gestion ne fait partie de la formation des juristes. Ces derniers sont éduqués comme étant des experts, presque des techniciens de la loi.

Pour avoir subi la déconstruction moi-même, je crois que le cerveau d’un avocat est si particulièrement modelé qu’il est désavantagé dans le monde des affaires. L’avocat qui lira cet article aura d’ailleurs le réflexe de construire une contre argumentation, de réfuter ou de trouver les failles dans la suite logique des mots de l’article. L’avocat essaie d’être précis à tout prix. Une manifestation de ceci est le nom des startups dans le monde du droit. Même lorsque l’avocat essaie de vendre des produits à Monsieur et Madame tout le monde, il va quand même mettre du latin dans le nom de son entreprise... Nous ne pouvons que constater la déconnexion entre les consommateurs et l’avocat.

Pour saisir, il faudra s’unir

L’entrepreneur, à l’opposé, ne tente pas de plaider un argument, d’être juste, il écoute le client, le marché et les opportunités devant lui. Pour toutes ces raisons, dans d’autres pays les non-juristes ont pris les devants et innovent dans le milieu juridique. 

Ce que nous avons constaté c’est que pour réussir en legal tech les avocats doivent s’associer avec des non-juristes. Ceci n’est pas nécessairement naturel, un avocat a tendance à considérer qu’il est l’ultime expert du monde juridique et les non-avocats s’éloignent du domaine du droit, un domaine qu’ils considèrent trop complexe et sclérosé par la multiplication des règles. Cependant l’opportunité est là et elle sera saisie par ceux qui sauront combiner leurs forces. Le besoin est criant et l’opportunité d’affaires énorme unissez-vous ! 

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Pour des conseils pratiques en droit : www.vos-droits.ca

Alexandre Désy

Détenteur d’un baccalauréat en droit, en gestion des affaires et d’une maîtrise en analyse économique du droit. Il est un chercheur et conférencier sur le futur de la profession. En tant qu’auteur, il est l’instigateur de plusieurs rapports du Barreau du Québec et de livre sur les règlements hors cour. Me Désy a laissé tomber la pratique traditionnelle pour se concentrer sur la modernisation de la pratique du droit et la philanthropie. Notamment, en tant qu’entrepreneur social, il fonde l’organisme Cancer Testiculaire Canada en 2010. Plus récemment, en 2015, il fonde l’entreprise Onrègle.com; première entreprise à offrir des services automatisés sans frais d’avocat au Canada. Me Désy est à la tête du mouvement pour encourager l’implantation d’une industrie en « Legal tech » au Québec. Cette pratique hors de l’ordinaire fait en sorte qu’il sera nommé avocat de l’année par le jeune barreau en 2016 et qu’il fait partie de plusieurs palmarès des avocats et entrepreneurs d’impact.